Retour sur une rando-pêche, observations :c'était de 12/09/ 2020
Un lac n'est pas éternel, contrairement aux cours d'eau qui marquent les reliefs pendants des éternités, les lacs d'altitude, aussi pures et aussi grandiose soit-il , ne sont que des réceptacles dans lesquels des matériaux s'accumulent jusqu’au comblement total ... C'est ainsi que la mort les guette.
... Rajoutez à cela des conditions climatiques désespérantes : un manque de précipitations, encore pour cette année, conjugué a des chaleurs caniculaires interminables.
Nul doutes, dans ces conditions,j'étais certain de trouver un lac au maximum de sa souffrance ... Avait-il encore de la vie dans cette pièce d'eau ?
... C'est donc cette réponse que j’étais venu chercher.
C'est un lac que je n'avais pas encore eu l’occasion de pêcher ... ceci malgré une tentative en cette période de la saison, qui date déjà de 2015 ... Voici la photo.
Vous pouvez constater la raison de mon renoncement (je découvre un lac gelé au fond de sa cuvette profonde et froide, malgré cette belle journée)
... Je remarque déjà la souffrance hydrique du lac de la Grande Sitre.
En comparaison voici une photo trouvé sur le net par RV74 (merci) ... le cliché date du 26/06/2015 ... Et il y avait de l'eau pour alimenter l'exutoire du lac.
L’hiver, un lac alpin peu rester gelé pendant 6 à 8 mois, avec une couche de glace de plus d'un mètre d'épaisseur sans prendre en compte une possible couche de neige qui le recouvre.
... La lumière ne pouvant plus passer, il n'y a plus de photosynthèse et l’oxygénation diminue considérablement.
Les truites sont alors au repos dans un lac inerte, avec des températures qui sont moins froides vers le fond.
Si le lac gèle, les eaux superficielles sont plus froides et un peu moins denses (0 °C) que les eaux profondes (4 °C environ)
L'été, le phénomène s'inverse, la couche d'eau la plus chaude est au-dessus.
... Rappel de l'itinéraire depuis Grenoble (environ 35 km, en ~ 45 mn) :Prendre la A 41 en direction de Chambéry > prendre la sortie 24.1 Villard-Bonnot > continué sur la Combe de Lancet >St-Mury-Monteymond>au village prendre sur la droite en direction le Col de Pré Long.
À partir d'ici vous êtes sur une piste carrossable, utilisable avec une voiture normale (tranquillement à une vitesse, 15 à 20/h) ... continuer jusqu'au terminus de la route (le Clos)
Cliquez sur l'image pour agrandir
Durée de la montée jusqu'au lac de la Grande Sitre : 2 h 05
Retour: 1 h 30
Distance A/R : 8 km en 3 h 35 mn
Denivelé :600 m
Cartographie :IGN TOP 25 - 3335 OT Grenoble - Chamrousse - Belledonne
Quelques infos sur le trajet de la randonnée : au bout du parking, le chemin rejoint les alpages sur la droite ... À la première intersection, continuez tout droit vers la Sitre et non à droite vers le lac du Crozet.
Pour commencer, le dénivelé est sec, heureusement, il se passe bien souvent sous les bois et en absence de fortes chaleurs ... En bonus de belles vues sur la cuvette grenobloise.
45 minutes plus tard je suis arrivé au refuge du Pré du Molard
Le gîte d'alpage du Pré du Molard fut pendant longtemps une bergerie. Construite en 1973 et inscrite sur le sentier des bergers en Belledonne elle se transforme en 2001 en gîte d'alpage et accueil aujourd'hui promeneurs, randonneurs, groupes.
... Il a une capacité d'accueil de 15 couchages ... Ouvertures du 15/05 au 15/10.
Alt. 1735 m Refuge de Pré Molard
La pancarte en bois m'indique la bonne direction vers le lac de la Sitre .. Go!
Je ferais un petit détour par le Mont Saint Mury(Alt. 2038 m) (trajet 1) ... Histoire de prendre de la hauteur ... Et de faire un circuit découverte ... Même si ça rallonge un peu.
Je suis maintenant au col de la Sitre , son habert est toujours là ! ... Bien animé par les chiens Patou qui gardent le troupeau de moutons.
... Ils m'ont mis en garde de loin .... Mais je dois passer par là.
... À moi de les rassurer de mes intentions pacifiques ... Déjà en leurs parlant de loin sans être agressif, ne pas les fixer dans les yeux ... Avancer doucement sans faire de gestes brusques ... Si possible en contournant le troupeau qu'il protège.
le habert de la Sitre et un abri de berger... il est donc donc occupé durant la saison.
La fin de la transhumance est imminente ... La bergère et ces chiens rassemblent le troupeau , c'est le grand jour du retour vers la plaine.
9h 50 , je suis au lac de la Sitre(ou lac de la Grande Sitre) ... il est situé à 1952 mètres d'altitude entre le lac de Crop et le lac du Crozet dans le massif de Belledonne, en amont du Pré Raymond (1372 mètres d'altitude)
Je découvre le lac ... D'ici il ne me fais pas bonne impression, il me semble qu'il reste peu d'eau.
... Mon objectif premier et déjà de mesurer sa profondeur en sondant les parties les plus profondes ... Ceci avec une ligne équipé d'un bouchon coulissant et avec une grappe de petits plomb attaché au bout de l'hameçon.
... Et à mon étonnement, la mesure la plus optimal indique 2 m 52 ... De plus, l'eau est vraiment très fraîche .. Et ça, c'est une plutôt bonne chose.
.... Et en regardant bien, il y a des raisons à cela.
9 h 50 le lac est encore totalement dans l'ombre
J'ai fait pas mal de bruit pour sonder le lac pour connaître sa profondeur ... Je décide alors de me mettre en retrait en prenant un peu de hauteur et de casser la croûte tout en observant.
... Il y a des gobages délicats au fond ... Mais le miroir ne me donne pas d'indication sur la taille des poissons ?
... Pas de grands "schplafs" ... Mais plutôt des petites aspirations, ici et là et de temps en temps.
A un mètre du bord, juste devant moi, je vois passer un beau poisson ... cependant , j'avais préparé ma canne , je tente ma chance au cas ou ... Mince !!! ... Elle fait demi-tour ... je pense qu'elle m'a vue !
... Il va falloir être plus discret dans cet entonnoir minéral.
Sur la droite, je vois trois copines dans la zone des cinq mètres qui s'alimentent en surface ... C'est peut-être ma chance ?
... Je ne m'avance pas trop, je me positionne accroupis ras la pente ... Le cul dans les myrtilles (pitié pour mon dessert)
... Et le shoot en diagonale se révélera gagnant.
... Je suis très heureux d'avoir réussi ma séquence discrétion , mais également de me rendre compte concrètement que des truites réussissent à vivre ici ... la preuve en photo s'impose
Comme je le dis, les eaux sont fraîches ... Je constate aussi que le lac à encore une partie dans l'ombre (il est 10 h 40)
... Et en septembre le soleil est toujours plus haut ... Donc ce lac n'est pas tout le temps sous l'emprise totale du soleil ou alors pas longtemps.(pour info : ce temps ne durera que un peu plus de 1 h 30)
Après un dessert offert par dame nature, une deuxième opportunité s’offrira à moi ... la voici !
Mais de gros nuages semblent s'inviter sur les lieux ... Mystère ?
Peu importe, j'ai déjà vu ce que je voulais savoir ... Et mon envie de pêche s'est bien estompée (il faut dire aussi que les positions assez inconfortables pour prétendre séduire ces dames ne m'enchante guère)
... Fait pas bon prendre de l'âge bordel , j'ai les articulations qui grincent.
Coté animations : des insectes virevoltent (ce sont des chironomes) .... Ce qui met de nouveau, des truites en activités ... Mais la canne et déjà dans son étui.
Ps/à noté sur la gauche une petite arrivé d'eau qui vient de la cascade alimenté par des névés (ce qui explique aussi ces eaux qui restent fraîches ... Ceci en plus de ces parties ombragées qui reste sur le lac la majorité de la journée ... Jadis, il y avait même un glacier ici.
Un chironome en vol passe devant l'objectif
Plus de détail sur l'insecte ... et ces espaces de vie préférés :
Les chironomes sont des insectes présent toute l'année, ils font partis de l'ordre des diptères, comme les mouches domestiques ... ou à m.... , mais aussi les moustiques (à ne pas confondre avec l'insecte en question)
... La larve du chironome est connue sous le nom vernaculaire de « ver de vase » ... On trouve les chironomidés au stade larvaire dans presque tous les habitats aquatiques et semi-aquatiques y compris dans les cavités d'arbres (par exemple) ... Là ou il y a de l'eau ... même croupie, c'est même encore mieux.
Voici deux prisonniers d'une toile d’araignée, entre deux myrtilles (un mâle et une femelle au stade adulte)
Distinctions qui le caractérise :
- la couleur verdâtre des adultes. - l'absence de pièces buccales allongées (organe piqueur chez le femelle moustique) - des antennes en forme d'épais ou large plumeau chez le mâle. - un bruit de vol quasis silencieux, contrairement aux moustiques et leurs vrombissements sonores qui me font toujours penser à "un bébé mobylette", si désagréable et qui surtout, annonce la possible piqûre.
Amis pêcheurs, si vous recherchez des vers de vases (larves de chironomidés)
... Ces espèces pullulent souvent à proximité des petites rivières très polluées par de la matière organique (ou en aval d'égouts ou de certaines stations d'épuration dysfonctionnant ou sous-dimensionnées, ainsi qu'en aval de rejets insuffisamment épurés de papeteries, d'abattoirs, de certaines unités agroalimentaires ... Voici leurs univers préférés (pas très rassurant tout cela)
Les chironomidés sont d'importants bio-indicateurs de l'état de santé d'un plan d'eau ... Mais à l’excès, ils peuvent être synonymes d'un trop de matières organiques.(un parfait engrais pour les plantes aquatiques)
Une présence trop importance de matière organique (M.O) contribue à en appauvrir les eaux en oxygène dissous(O2).
Cet oxygène est indispensable à la vie des animaux aquatiques, mais également à celle des bactéries aérobies (qui respirent de l’oxygène) et qui transforment la matière organique en ammonium, nitrites, nitrates
... Ainsi, l’excès de M.O. restreint le processus d’auto-épuration.
Pour en revenir à la qualité de l'eau de ce lac : il y a ici des micros algues filandreuses (couleur verte du lac) ... Mais pas trop.
... Cependant, le phénomène naturel peut s’accélérer jusqu’au déséquilibre si des apports extérieurs de matières organiques (effluents de refuges, présence de troupeaux…) et ces paramètres d'accélération sont présent ici ... Ils s’ajoutent à ces apports naturels.
Ce paramètre dangereux s'appelle : dystrophisation.
Me voici maintenant sur le chemin du retour ... tranquillement.
Je prendrais un autre itinéraire ... Celui en direction du Habert des Sabottes (trajet 2) , il est là en contrebas à une altitude de 1760 m.
Habert des Sabottes , 10 places (cabane non gardée)
Et puis je prendrai de nouveau la direction du refuge du Pré du Mollard ... Histoire de me désaltérer ... Le temps est menaçant, mais il devrait m'accorder cela.
Pour finir voici mes conclusions sur la viabilité de ce lac :
L’espérance de vie d'un lac dépend de plusieurs facteurs, il dépend de sa forme, de son exposition, de la nature de son basin versant.
Prisonnier de sa cuvette pentue, il y a sans doutes ici des phénomènes d'éboulements . Inévitablement l’érosion naturel fait son oeuvre, le lac se remplit peu à peu de sédiments et s’assèche graduellement ... Bien aider également par le manque de précipitations ... Cette année encore plus.
Un lac d'altitude, comme la Grande Sitre est d'origine glacière, il résulte en partie de la fonte des neiges sur ces hauteurs.
La vie si est développé lentement, en commençant par les végétaux (algues microscopiques) puis certain animaux minuscules pour en arriver aux espèces plus développées, dont quelques poissons (ici, introduis tous les 2 ans au stade d'alevins.) entre 250 et 500 truitelles(quantités à vérifier)
... Et j'avais aujourd’hui très envie de me rendre compte si cela en valait encore le coup ... J'ai tellement entendu de choses sur ce lac.
J'ai maintenant ma propre analyse et des preuves en me rendant sur place.
... C'est inévitable le lac soufre d'un manque d'eau, mais l'eau reste très fraîche, de part son exposition et son arrivée d'eau ... Et nous sommes ici dans des conditions les plus extrêmes en cette période de l'année.
Espérons que les prochaines années ne seront pas les mêmes , mais pour l’instant ce lac reste parfaitement viable.
... Des preuves complémentaires dans cette petite vidéo de fin ... Où on voit très bien plusieurs gobages pendant que je filme le lac